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Irak : Les leçons d'une agression

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Irak : les leçons d’une agression (Dernières contributions)

Cinq ans. Il y a cinq ans, l’Irak a été secoué par de terribles événements qu’il nous a été donné à tous de suivre, via le satellite notamment. L’Irak en tant que peuple et pays, vecteur d’une civilisation incontestée. Ce triste anniversaire ne peut nous laisser indifférents à plus d’un titre, tant les leçons à en tirer sont à méditer. L’agression de l’Irak par « le champion » des droits de l’homme peut-il étonner ? Un auteur américain, William Blum (L’Etat voyou, éditions Parangon, 2002, 374 pages), ayant gravité dans l’Administration américaine en qualité de haut fonctionnaire, expose lucidement les intérêts de cette administration, voire de certaines couches et individualités localisées et liées aux grandes sociétés pétrolières et au complexe militaro-industriel américain. De fait, en l’absence de contrepoids sérieux, crédible et efficace dans son opposition à cette même administration, force est d’observer que celle-ci monopolise (pour combien de temps encore ?) la violence à l’échelle planétaire sous le couvert de « mondialisation » et agit de façon fort belliqueuse depuis 1945 afin de mettre toutes les économies considérées comme périphériques sinon à genoux, à tout le moins tournant autour de sa galaxie… Ainsi pour atteindre ses objectifs, l’auteur nous rappelle que l’Administration américaine a procédé aux assassinats et tentatives d’assassinat sur les personnalités suivantes : Mossadegh, Nasser, Guevara, général Abdoul Karim Kassem, Lumumba, Castro, Allende, Sukarno, Kadhafi, Khomeyni… De même, elle a contribué, par le renseignement, à envoyer Nelson Mandela pendant 28 ans en prison… Et, il nous rappelle qu’elle a également été l’auteur de bombardements du Japon (bombe A sur Hiroshima et Nagasaki) et du Vietnam (un million de morts et vingt ans de destruction de ce pays). Elle a utilisé de l’uranium appauvri (qui est radioactif) lors de la guerre du Golfe ainsi que des bombes à fragmentation. Par ailleurs, son palmarès d’interventions est très étendu, ainsi en Chine (1945-51) pour aider Tchang Kaï-chek contre Mao Zedong, aux îles Marshall (1946-58) pour tester ses missiles balistiques intercontinentaux, en Italie (1947-70) pour empêcher la gauche d’accéder au pouvoir, en Grèce (1957-59) pour aider les néo-fascistes contre la gauche, en Iran (1953) pour empêcher Mossadegh de nationaliser le pétrole iranien, au Moyen-Orient (1956) pour dominer ses gisements de pétrole, renvoyant aux calendes grecques la légitime aspiration du peuple palestinien à se constituer en Etat… Cela étant, il reste que nombreuses sont les leçons à méditer ; ainsi, les évidents intérêts pétroliers américains (voire de quelques individualités) ne sont plus à démontrer, pas plus que la protection excessive d’Israël (doté du nucléaire) par les USA en agressant l’Irak économiquement par embargo, et militairement sous nos yeux. Si la position du bloc de la paix (France, Allemagne, Russie) a pu être en son temps appréciée sympathiquement, elle ne saurait se confiner à l’hypothèse de l’amitié (fort diplomatique) avec le Monde arabe, car hors de l’enceinte de l’ONU — qui s’est révélée hélas inefficace — rien de bien sérieux n’a été entamé pour stoper l’administration américaine dans son entreprise d’impérialiser le monde, telle la Rome antique. Quant à la position de la Grande-Bretagne (cantonnée au rôle d’auxiliaire fidèle des USA) et de certains autres pays européens de moindre envergure (notamment l’Espagne, en quête d’une aura internationale et qui assume mal son passé d’Andalousie musulmane), elle dissimule mal la crainte de la privation de parts de marchés mondiaux. Un fait plus marquant encore, le silence complice des régimes arabes et de leurs dirigeants que certains tentent d’ailleurs de travestir en monarchies absolutistes sous magistère de hautes hiérarchies militaires et de bureaucraties rentières sous domination de partis uniques — au mieux de partis dominants — et dont on n’a curieusement pas vu l’ombre sur la petite lucarne de leurs chaînes uniques durant toute l’agression américaine contre l’Irak, n’était la rue arabe qui a tenté de montrer sa solidarité avec le peuple irakien… Quant aux grotesques raisons invoquées (dictature à abattre, armes supposées de destruction massive, dont celles chimiques vendues notamment par la Grande-Bretagne...), elles se sont révélées de bien futiles arguties face à l’immensité des intérêts économiques et géostratégiques de l’administration américaine. Ce, d’autant plus que la légalité internationale bafouée rend par ailleurs la construction d’une communauté internationale plus fragile que jamais. De même, comment croire en la légitimité de l’agression, qu’il est difficile de qualifier de guerre, du fait de l’absence d’une majorité d’Etats acquis à celle-ci et de l’état des forces en présence : les USA avec leur armada et une technologie des plus sophistiquées et la faiblesse manifeste de l’Irak qui subit de plein fouet un embargo de plusieurs années ? Cette escalade dans l’engrenage de l’agression et la volonté manifeste de polariser le monde et d’en devenir le maître incontesté rendent, par ailleurs, difficilement acceptable l’amalgame savamment seriné — entretenu à dessein par les médias — entre musulmans et islamisme, Islam et intégrisme (il semblerait d’ailleurs qu’à l’origine, ce vocable désignait un parti espagnol qui luttait pour la soumission de l’Etat à l’église catholique) pour se forger une raison supplémentaire de nature à justifier toutes formes d’agressions futures envers d’autres Etats (Syrie, Iran…). Et la majorité des économistes américains soulignent que les Etats-Unis ont basculé dans la récession qui serait l’une des plus sévères depuis la Seconde Guerre mondiale. Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale (Fed) de 1987 à 2006, évoque la crise la plus « wrenching » (douloureuse) depuis 1945 (Le Monde du 21 mars 2008). A cela s’ajoute le nombre de militaires américains tués depuis le début de la guerre en Irak : 4000 morts, cinq ans après. A titre de comparaison, 58 000 Américains avaient trouvé la mort pendant la du Vietnam (1964-1973). Et le nombre de victimes irakiennes est à ce jour inconnu et fait l’objet d’estimations allant de 100 000 à 1 million de morts selon les sources (Le Monde du 24 mars 2008). Quant au coût de la guerre en Irak, il s’élève à 3000 milliards de dollars, c’est-à-dire vraisemblablement la somme nécessaire au redressement de l’économie américaine… Une agression qui coûte cher, une leçon à ce prix pour comprendre, on l’espère définitivement, la maxime à méditer du général GIAP : « Le colonialisme est un mauvais élève. »

L’auteur est : Auteur, avocat algérien

Ammar Koroghli

6 avril 2008

Date de création : 14/02/2010 @ 18:29
Dernière modification : 21/01/2014 @ 08:44
Catégorie : Articles à caractère international
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